Texte 1
Gare à la manipulation

Comment un homme peut-il croire tout ce qui lui est dit, même s’il a constaté les mensonges proférés précédemment ? Ce n’est pas très difficile… Il suffit, dans un premier temps, de le perdre quelque peu par des injonctions paradoxales. En voici un exemple : « Faites attention, il y a danger de mort, mais restez confiants », ou encore : « Vous pourrez fêter Noël mais faites attention à vos aînés, ils sont fragiles ».
Et par leurs contenus, ces injonctions appuient sur le bouton de la peur et viennent directement réveiller tout le champ émotionnel de l’être : je suis en danger de mort, je risque de tuer mes aînés. Certes, ce n’est pas dit, juste insinué… En revanche, à l’écoute des propos alarmistes, le cœur se serre, le pouls s’accélère, et pour sortir de cet inconfort, le mental reprend les rennes : « Aux abris ! Ne pas bouger ». Immobilisme dicté sous couvert de prudence et de vouloir prendre soin de nous…
Et depuis quand adoptons-nous cette posture ? Depuis notre plus tendre enfance… J’ai 6 ans et je grimpe sur un mur haut de 50cm. Qu’entends-je ? « Attention ! Tu vas tomber ! ». Moi, je n’ai pas peur. Qui a peur ? Suite à cette menace, arrive l’ordre de descendre de ce mur. Que fais-je ? J’obéis. Ai-je un autre choix ? Non, je mesure peut-être 1 mètre et suis face à un adulte qui fait presque deux fois ma taille. Si toutefois je résiste, le ton de l’adulte se fait plus fort, plus brusque. Il pointe son index rageur dans ma direction. Et là, de qui et de quoi ai-je peur ? Je n’avais pas peur lorsque je marchais tranquillement sur ce mur. J’ai entendu la peur de l’adulte, il y a donc danger potentiel. Je suis coupé dans mon élan vital et lorsque je vois l’adulte s’énerver, là, la peur s’installe et j’obéis.
Ma vie continue. Je suis en école primaire et je vois mes parents avoir peur que je n’arrive pas à savoir lire ni écrire correctement. Si je dévie un peu de la moyenne, des professionnels se chargent de me remettre dans la droite ligne. J’entre ensuite au collège et ils ont maintenant peur que je ne puisse pas intégrer le lycée qu’ils ont choisi. Bref, je suis biberonné à la peur depuis ma plus tendre enfance. L’enfant se rend compte du nombre de peurs infondées, mais il apprend à répondre aux injonctions et aux ordres qu’il reçoit.
Puis un jour, il entend : « Aie confiance en toi ! Ose vivre ta vie ! Mais fais attention à ce que tu fais ! ». N’est-ce pas quelque peu paradoxal ? Lorsqu’il ose se choisir une orientation professionnelle, est-il accompagné dans ses choix ou plutôt dirigé vers ceux qui contentent et rassurent ses parents ? En résumé, le parent, envahi de peurs et d’anxiété, s’applique à faire plier l’enfant en lui faisant peur. La boucle infernale est créée.
La peur inhibe, inexorablement. Beaucoup s’imaginent mener leur barque comme ils le souhaitent… mais s’ils s’arrêtaient pour s’écouter vraiment, sont-ils certains de se réaliser et de s’épanouir dans la joie ? Pas sûr…
L’enfant que nous étions est toujours en nous, gravé dans notre disque dur, appelé notre inconscient, et contrairement à ce que nous pouvons nous raconter, c’est lui qui, avant tout, mène notre barque. L’adulte est devenu raisonnable, dans l’ensemble assez discipliné quoi qu’on en dise, suivant la ligne qui lui a été dictée grâce à un mode de communication dominant-dominé. S’amuse-t-il ? Est-il joyeux ? Pas sûr, mais de toute façon, la grand-mère disait déjà que l’existence n’est pas une partie de plaisir. Alors, tout est normal. Et les années passent. Quasiment 25% de la population se fait prescrire des psychotropes, et cela avant l’arrivée de la covid.
Aujourd’hui, qui est notre père à tous ? La société matérialisme a su chasser la place prise hier par l’Eglise. Alors… le père de tous est celui qui a été élu au suffrage universel.
Il se présente à l’écran, l’index pointé en avant, proférant des dangers, des menaces… Il prend une posture parentale, s’adressant aux téléspectateurs comme s’ils avaient 12 ans. Comment réagit l’adulte ? C’est automatique, pavlovien. Menace, peur, soumission.
Comment faire pour retrouver un peu de lucidité ?
Respirer, 3 fois, j’inspire par le nez, j’expire par la bouche. Par cette expiration, je lâche mes tensions.
La peur ? Elle appartient au registre de l’imaginaire. A moi de choisir le film que je veux voir : un film catastrophe ? un film d’horreur ? une comédie ou un comique. C’est moi qui choisis le programme, personne d’autre.
Et que se cache derrière ma peur ? Un désir !
J’ai peur de mourir ? Peut-être. Mais quel est le désir caché derrière ? Un beau désir de vivre !
Je vous invite à partir à la recherche de ce petit trésor qui se cache toujours derrière une peur !
ANNE WEYER
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